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PARCOURIR LE PAYSAGE – CONTACT(S)

PARCOURIR LE PAYSAGE – CONTACT(S)

Entre conflits et échanges, comment le regard sur le monde fait-il évoluer le regard sur les hommes ?


L’expérience la plus proche de la lévitation que nous pouvons vivre est celle du vol. Cependant, à la différence de la lévitation, nous devons forcément décoller du sol avec une machine. Avant la création des premiers avions, cette expérience n’est possible qu’en rêve, voyage de l’esprit sans le corps. C’est en premier lieu par l’art et la littérature que l’idée a fait son chemin. Bien avant le Tour du monde en 80 jours, le mythe du tapis volant met en exergue ce phénomène magique. Le Rising Carpet de Moussa Sarr fait le lien entre le monde oriental des Mille et une nuits et le monde industriel occidental. Jouant sur les clichés de ces deux mondes en confrontation, ce tapis persan est suspendu au-dessus du sol grâce à des drones fixés à ses quatre extrémités. Entre l’idée d’un Orient rêvé véhiculé par les artistes orientalistes et le détournement des outils de guerre, l’artiste nous rappelle que le voyage n’est pas forcément une invitation mais qu’il est également le choc des cultures qui se rêvent mais ne se comprennent pas. Symbole des guerres contemporaines, le drone est également le signe des hommes qui ne voyagent plus. Puisque conduit à distance, il empêche la connaissance physique du terrain et n’est plus finalement l’objet du vol mais plutôt celui de la chute, de la chute des bombes…

In Times of Peace – a Drone Memorial du collectif IOCOSE est un monument aux morts de ces nouveaux conflits, le mémorial de ces victimes silencieuses que sont les drones tombés au combat. Commémorer pour ne pas oublier, est-ce vraiment cela qui est en jeu ici ? Sur cette sculpture en aluminium sont gravés les noms des drones ainsi que les lieux de leur chute. Cette œuvre très ironique nous pose un certain nombre de questions quant-à la place de la machine aujourd’hui ? Que faire des drones en temps de paix ? Si on parle ici des drones, quand est-il de leurs cibles humaines que l’on oublie si facilement ? Cette œuvre dystopique d’une vie après la guerre où l’on compte des morts qui n’ont jamais été vivants, fait bien entendu écho aux trop nombreuses victimes des guerres actuelles. Ces millions de personnes jetées sur les routes du désespoir et pour lesquelles il n’y pas de mémorial. La personnification des drones est à l’inverse de la déshumanisation des migrants qui cherchent à tout prix à ne pas être rayés de la carte. Dans Lignes de fuite, Rajwa Tohmé donne la parole à ceux qui traversent l’Europe dans l’espoir d’une vie meilleure. carte posée au sol signifie au spectateur ces déplacements.

Ici, aussi, la carte symbolise la relation d’un corps au territoire. La cartographie est dépassée, les frontières n’ont plus de sens pour ces êtres qui ne sont plus de nulle part et qui entrent en contact avec un monde qui n’est pas toujours accueillant.

Plus que le vol, la lévitation c’est cette invitation au voyage. Le corps délivré de son poids s’envole comme dans un rêve, un rêve d’enfant. À l’instar de ces avions de papier que l’on essaie de faire décoller, Take Hold Lightly, Let Go Lightly de Pavitra Wickramasinghe fait voyager le spectateur dans un monde onirique. Entre légèreté et fragilité, des avions en papier sont suspendus à des mobiles en mouvement et éclairés par de petites lampes. Un jeu de lumière se crée sur les murs, les ombres agrandies se projettent sur le spectateur qui a alors l’impression de flotter dans l’espace. Nous sommes inclus dans ce dispositif quasi cinématographique ou le réel et le virtuel se confondent. Le voyage impossible de ces petits avions, nous évoque les premières tentatives d’envols, celles des pionniers de l’aviation comme celles de l’enfant qui court en imitant le bruit des réacteurs, un avion de papier à la main. Entre voyage réel et voyage imaginaire, le spectateur s’égare donc, comme dans l’immense installation multimédia de Mathilde Lavenne. Cette œuvre intitulée Tropics présente sur un espace de 90 m² la vidéo d’une expédition dans une exploitation agricole mexicaine. Filmée comme si nous étions en orbite autour de cette dernière, le spectateur est plongé dans une expérience sensorielle et immersive comme celle du voyage. Alors que l’image est complètement démesurée, hors échelle, nous plongeons dans la matière comme en apesanteur.

Donner l’impression au spectateur qu’il est en lévitation n’est pas chose aisée. Comment faire ressentir une expérience qui n’est finalement qu’une vue de l’esprit ? La VR (Virtual Reality) en est peut-être le chemin le plus évident. Dans Muted, Christophe Monchalin propose une expérience immersive par l’intermédiaire d’un casque de réalité virtuelle. Il crée une narration interactive située entre la réalité et les arts de la scène. Le spectateur se trouve immergé dans les souvenirs de deux personnages fictifs, Sé une comédienne et Li une danseuse. L’esprit et le corps se trouvent pris dans une chute en « impesanteur ». Nous nous trouvons propulsés à l’intérieur d’un rêve qui n’est pas le nôtre, paradoxe de l’œuvre numérique capable d’impliquer le ressenti humain. Nous voyageons ici virtuellement alors que notre corps à l’impression de vivre cette expérience réellement. Le mouvement de chute s’oppose à celui de l’élévation induit par la lévitation. Au fi l des œuvres, le spectateur est pris comme dans un ascenseur entre la montée et la descente. Regarder vers le haut, plonger le regard vers le bas.

Émilie Brout et Maxime Marion avec Push the Sky Away ont réussi à créer la synthèse de ce mouvement. Deux drones en mouvement supportent une image de ciel bleu imprimé sur un tissu légèrement transparent. Dans un vol stationnaire, le drone devient dispositif d’accrochage. L’image perpendiculaire au sol ouvre le regard et semble creuser le mur de l’espace d’exposition. Le format tableau crée une sensation de profondeur. L’apparition de la perspective à la Renaissance nous a fait passer d’une vision symbolique à une vision réaliste de l’espace. La perspective va ouvrir l’espace de l’oeuvre et permettre au regardeur d’entrer dans l’image. « Je trace d’abord sur la surface à peindre un quadrilatère de la grandeur que je veux, fait d’angles droits, et qui est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire».

Aujourd’hui, le paradigme de la vision s’inverse, alors qu’il s’est ouvert vers l’horizon à la Renaissance, il vient désormais du haut (vision du satellite). L’oeil regarde vers le bas, écrase l’espace et le referme. La VR donne donc la possibilité d’être à deux endroits en même temps, sorte d’ubiquité, le corps est là et l’esprit est ailleurs ; nous ne voyons plus ce qui est en face de nous. Les drones colonisateurs du ciel viennent ici porter le paysage et font passer le regard vertical (vers le haut) à la perspective (vers l’horizon). Sorte d’inversion absurde, les drones portent le ciel et ne circulent plus à l’intérieur, le donnant à notre contemplation.

La menace sous-jacente induite par l’objet « drone » est temporisée par leur immobilité et leur fonction inoffensive. Le ciel bleu, normalement symbole d’espoir, est mis à mal par l’effrayante poésie de l’attaque des drones. D’ailleurs, en zone de conflit, le ciel clair est une menace, les bombardements ne pouvant avoir lieu sous un ciel nuageux à cause du manque de visibilité.

Time Capsule d’Hugo Deverchère se présente sous la forme d’un ballon transparent en lévitation dans l’espace d’exposition. Le ballon se promène librement dans le lieu et prend des photographies toutes les trente secondes, espace d’exposition qui devient alors espace de production. En partant, les spectateurs sont invités à laisser leurs coordonnées afin de recevoir à une date non précisée et lointaine une édition comportant les images captées le jour de leur visite. Alors qu’ils auront complètement oublié ce qui s’est passé, l’oeuvre se rappellera à eux. Ce qui a eu lieu ce-jour là reprendra vie grâce à la photographie. Une nouvelle fois, le temps et l’espace se rejoignent. Deux temps, deux espaces qui ont lieu à chaque fois ailleurs et en même temps.



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